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dimanche 13 septembre 2009

Et que le vaste monde poursuive sa course folle, de Colum Mc Cann (Belfond)

Dans Libération, Natalie Levisalles, qui fait l'éloge du nouveau roman de Colum Mc Cann, en déplore néanmoins "l'absence de centre", et plus loin, que "le projet initial se [soit] effacé devant la force des personnages fictifs" ; que "le seul fil qui reste, le fil-de-fériste français, ne [soit] plus qu’un prétexte."

Une telle interprétation me surprend. Pourquoi un prétexte ? Le funambule qui traverse l'espace vide entre les tours jumelles le matin du 7 août 1974 est l'un des personnages du récit, comme les autres. De quel projet initial parle-t-on ? Colum Mc Cann avait-il exprimé l'intention d'écrire un roman documentaire ?

Au contraire, la performance accomplie par Philippe Petit, qui a inspiré Mc Cann, revêt un tour hautement symbolique. C'est le défi d'Icare, l'idéal d'élévation auquel aspirent tous les personnages de la société et du roman pour faire face à la vie dans laquelle ils se démènent, mère de soldat mort au Vietnam, artiste mondain accro à la coke, prostituée du Bronx jetée en prison et qui compte "s'envoyer en l'air" mais pendue, cette fois, au tuyau des douches...
Que ces personnages aient assisté ou non à la traversée, ils entretiennent tous un lien avec l'événement. Pendant qu'ils vivaient, un homme a traversé les airs. Pendant ces brefs instants, le monde a suspendu "sa course folle"...

Et donc, ce roman pivote bien autour d'un centre, justement parce que la composition en est circulaire, organisée autour de ce moment précis, où simultanément, dans New York, avaient lieu une multitude d'événements. Le roman en présente certains, imaginaires, à plusieurs reprises, selon différents angles en fonction de celui qui raconte : les narrateurs varient. Pas le propos : au début du roman, on voit la traversée depuis la rue. Plus tard, au cœur du récit, on accompagnera l'artiste sur le câble. "L'espace d'un instant, presque rien ne se passe. Il n'est même plus là. (...) Il est en deux secondes l'essence du mouvement, il peut faire ce qu'il veut. (...) Etre un instant sans corps et venir à la vie." Ensuite, la magie peut cesser. Le funambule est arrêté, et redescend parmi les hommes. Un ange est passé.

Une construction parfaitement cinématographique, vivante, colorée, sonore. Le pouls de New York.


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