Carlos Liscano sera visible au Salon du Livre dans les jours qui viennent. De quoi nous entretient-il dans son nouvel opus, L'écrivain et l'autre ? Au fil d’une réflexion sur l’acte d’écrire de la littérature, il s’interroge sur l’identité et le travail de l’écrivain : qu’est-ce qu’écrire ? La question paraît éculée, mais tout dépend de la cible visée. Puisque l’objectif de l'écrivain urugayen est la « la littérature » (allusions régulières à Kafka, Musil, Beckett désignés comme les maîtres), il lui semble qu’il échoue. La littérature n’est jamais définie ; pourtant ce texte, composé de courts chapitres tournant autour de l’impossibilité d’y accéder, révèle peu à peu ce qui, chez l’auteur fait obstacle à cette ambition.
Liscano se perçoit comme un auteur mineur, notamment parce qu’il est uruguayen, « condamné dès sa naissance à sa petitesse, à sa marginalité, à son caractère de provincial du monde ». Mais essentiellement, l’impossibilité d’écrire est liée à un essoufflement, à une désillusion. Liscano s’est mis à écrire en prison où il a séjourné treize ans et où il a subi la torture. Mathématicien de formation, il a toujours voulu écrire. L’écriture, en prison, le sauve de la solitude engendrée par la torture. Elle préserve sa liberté et son intégrité intellectuelle, morale.
A l’heure actuelle, l’écriture même le sépare de ses pairs, l’isole. Cet homme a consacré sa vie à l’écriture, évitant tout lien familial, cherchant la solitude, repoussant les limites. Et il ne sait rien faire d’autre. D’où procède la souffrance de ne pas réussir à écrire la grande œuvre rêvée, et la nostalgie d’une vie normale. « Il est très douloureux de renoncer à la vie en croyant que seul qui s’en exclut peut la connaître. » L’écrivain est présenté comme un être dédoublé : l’entité écrivante s’instaure comme le despote d’une autre part de soi-même, appelée « l’autre » ou « le serviteur », c’est-à-dire l’homme du quotidien, qui assure la survie physique. L’entité écrivante, cependant, est un personnage, « l’inventé » : « C’est l’inventé qui donne le sens aux choses ». « L’autre » est sous contrôle de « l’inventé. » L’écrivain même est une fiction. « L’effort de se penser comme écrivain est toujours nécessaire et toujours inutile. »
En définitive, « Abandonner les illusions démesurées. Se laisser aller, laisser s’écouler le temps. » et « Je commence à comprendre pourquoi je ne peux plus écrire : je n’ai plus rien à dire » Cependant, « écrire en démocratie, n’est-ce pas résister ? La littérature n’est-elle pas toujours un mode de résistance ? » - et pas seulement dans un système politique menteur, où il faut soi-même mentir pour se protéger...
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