PAPEROLES // notes de lecture / digressions ///

mardi 2 février 2010

L'absence d'oiseaux d'eau, Emmanuelle Pagano, POL


A l’origine conçu comme un roman épistolaire, L’absence d’oiseaux d’eau se distingue par une composition lacunaire s’appuyant uniquement sur des lettres envoyées à l’amant par la narratrice (en l’occurrence Emmanuelle Pagano elle-même, puisqu’il s’agit d’une auto-fiction). Précisément, comme le titre et la structure l’indiquent, l’absence représente paradoxalement l’élément fondateur du récit, à commencer par l’absence à soi-même et à ses proches dans le processus d’écriture, mais aussi dans l’aspiration à vivre autre chose ; en désirant un homme qui n’est pas son mari, la narratrice se dérobe à la réalité de la vie familiale, perçue comme contingente.

Mais c’est aussi dans l’absence de l’autre – l’amant quasiment inconnu au début du roman – que se crée et s’aménage l’espace du désir et de son expression. Cet espace-là s’amplifiera, rendant possible la rencontre entre les deux écrivains. On ne connaît pas l’origine de leur échange, mais il semblerait qu’au début, ils ne se connaissent guère autrement que par l’écrit, qui préside à leur liaison. L’aventure est d’abord conçue comme une expérience : s’échanger des messages, c’est, à quatre mains, observer comment les réactions mentales, émotionnelles et l’écriture elle-même évoluent au cours de la correspondance. Cela ne va pas sans risque car la narratrice s’implique corps et âme : elle se met en jeu. Le terme semble parfaitement approprié, car c’est bien un jeu au départ, un exercice qui laisse du jeu, de la marge : les règles n’en sont pas prédéfinies, place est laissée au désir, qui s’immisce entre les lignes et bouleversera le cadre expérimental : la liaison se concrétise, tant et si bien que la narratrice se détachera progressivement de son mari.

Le plus souvent, les lettres sont le lieu d’une description extrêmement précise des sensations et des émotions, mais aussi des réflexions de la narratrice. C’est donc avec une sincérité à toute épreuve qu’elle fait part de chaque étape de l’expérience, en détails, avec une grande lucidité qui ne la dispense pas de sentiments profonds, d’émotions violentes. Elle exige la même loyauté de la part de son interlocuteur, se défie des faux-semblants, consciente avant lui de la fin inévitable de leur histoire. Autre métaphore filée annoncée par le titre, celle des oiseaux d’eau : la présence de l’amant a tout d’aquatique : abondance de sueurs et de muqueuses, sperme, autant de substances liquides étanchant la soif de la femme désirante. Aux étreintes s’associe le souvenir synesthésique de paysages, de rivières fraîches et de leur lit, du vol des oiseaux d’eau. Telle poésie n’est pas gratuite, qui ouvre à l’onirisme la relation sexuelle (relation au sens de liaison, mais aussi au sens de description.) Loin des clichés de la littérature du genre, Emmanuelle Pagano manie de main de maître une plume érotique, qui, convoquant le plaisir et l'effroi, ne laisse pas le lecteur indemne.

4 commentaires:

  1. emprunté à la bibliothèque aujourd'hui, pensées...

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  2. J'attends tes impressions...

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  3. je t'ai envoyé d'autres impressions... comme une sauvage, sans mot, sans rien, dans une méchante enveloppe kraft, c'était pour faire une surprise...

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  4. Dans le cadre du 5ème rendez-vous « Une voix à traduire », le CITL reçoit Emmanuelle Pagano le 30 juin 2009 à 18h00, à la médiathèque d’Arles (Espace Van Gogh).

    Plus d’information sur notre blog:

    http://collegedestraducteurs-arles.blogspot.com

    Cordialement,

    L’équipe du CITL

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