PAPEROLES // notes de lecture / digressions ///
lundi 8 mars 2010
Reconnaissance posthume de Benjamin Lorca
Le journal intime de Benjamin Lorca, publié aux éditions Verticales de la main d'Arnaud Cathrine, est sélectionné pour le prix France Culture-Télérama.
Le titre évoque ce qui ne sera révélé que par bribes : le journal intime de Benjamin Lorca, écrivain, originaire de Caen. Retrouvé mort à son domicile le 4 mai 1992 après avoir ingéré des médicaments dans la nuit précédente, il ne laisse pour héritage que des dettes, quelques lettres et son ordinateur qui contient le fameux journal.
Il s’avère que Benjamin était solitaire, peu disposé à s’impliquer dans une relation affective, très réservé, pudique, paumé. Connu pour son œuvre de fiction, en particulier son roman Sagrada Familia, il aura évité de parler directement de son entourage dans ses livres, d’où provient l’intérêt, aux yeux de ses proches, pour son journal intime, curieux d’y trouver son réel sentiment sur eux, et peut-être le mobile de son suicide.
Ingénieusement composé, le récit s’attelle justement à ce qui échappe à la compréhension : qui était cet homme ? Que pensait-il ? N’aimait-il personne ? Qui aimait-il, et de quelle façon ? Quel désespoir l’a-t-il poussé à commettre un tel geste ? Quels signes auraient dû alerter ses proches ? C’est en tournant autour du précieux journal sans le donner à lire, à part quelques extraits intégrés aux discours des autres personnages, que la réflexion posthume fait sens, chacun ayant une raison de lire ou de ne pas lire ce journal.
Les témoignages successifs d’Edouard Pelan (l’éditeur amoureux), Martin (le frère), Ronan (l’ami) et Ninon (l’ex-compagne) suivent une chronologie inversée, puisque le premier discours est émis quinze ans après les faits, à l’occasion d’une messe anniversaire, tandis que les réflexions de Ninon correspondent à la semaine même du suicide.
Toute la finesse de l’écriture repose sur l’art de restituer l’ambivalence psychologique des personnages, dans ce qu’elle a de plus ordinaire. Notamment, tous les dialogues familiaux sonnent juste, où la météo tient lieu de conversation pour éviter les sujets sensibles. Ninon explicite les ambiguïtés en ces termes : « Je parle sans cesse de mon incompréhension. (…) Mais ce faisant j’oblitère, je compose avec moi-même pour ne pas avoir à admettre que je comprends son geste mieux que je ne le prétends. »
Un phrasé très construit, d’une grande clarté, touchant en peu de mots à l’essentiel.
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Je t'ai tagué sur mon blog pour ton avis sur ce livre.
RépondreSupprimerC'est ici : http://angel-a-et-la-litterature.blogspot.com/2010/04/le-journal-intime-de-benjamin-lorca-de.html
Bonne soirée